Histoire insolite sur Honfleur
Tableau d'Eugène Boudin
J'ai reçu en cadeau un petit livre ( Arcadia Editions). Dans ce livre plein de petites histoires insolites sur nos régions. J'ai copié celle qui concerne la mienne , la Basse Normandie et une petite ville qui est Honfleur et que j'adore. Voilà l'histoire:
Combien sont-ils les peintres impressionnistes entre 1850 et 1870 à s'installer chez la mère Toutain à la ferme Saint-Siméon?
Pendant plus de vingt ans vonts'y succéder les meilleurs artistes paysagistes et marinistes du temps, s 'échangeant verres de cidre et pinceaux.
La ferme Toutain est idéalement placée sur les hauteurs de l'estuaire de la Seine à coté de Honfleur et domine l'immensité de la mer. On imagine un jardin fleuri descendant en pente doucel'estuaire, le bleu tenu du ciel, l'eau grise de la Manche en contrebas. C'est Eugène Boudin qui découvre le lieu et y entraine ses amis Jongkind, Millet et quelques autres. Pourtant, aucun document officiel n'atteste l'existence du lieu mais de nombreux tableaux et pastels dépeignent l'endroit et témoignent ainsi de la réalité.
C'est l'épouse de Pierre-Louis Toutain, Catherine, qui donne son âme à l'auberge en apportant, outre sa bonne humeur, ses talents de cuisinière: on parle encore de ses maquereaux à l'oseille ! Les chambres des locataires sont décorés à la craie, au charbon ou à la mine de plomb: caricatures, paysages ou poésie, on y lit les humeurs des occupants successifs.
Monet, âgé de vingt-deux ans, se laisse entraîner par Jongkind et Boudin avant d'inviter à son tour Bazille et Guillemet. On y croise les frères Goncourt, Courbet, Corot mais aussi Adolphe Marais, Daubigny et Cals.
Tout ce petit monde se retrouve dans une effervescence intellectuelle et artistique exceptionnelle.
Mais en 1865, le propriétaire met en vente la ferme et la vend à un riche hôtelier de la région. Celui-ci donne congé à la mère Toutain et l'autorise à emporter les tableaux laissés en gage par certains pensionnaires sans le sou... La pension à quarante francs << nourri, logé>> n'existe plus et le nouveau propriétaire entreprend des travaux considérables: le toit de chaume disparaît, allées et jardins sont réaménagés . Quelques années plus tard, Sisley déplorera la transformation de la ferme en auberge confortable.
La fermeture de l'auberge et l'absence de la mère Toutain dispersent la colonie d'artistes. Si la parenthèse de la ferme Saint-Siméon se referme, les peintres, attachés à la région, ne cesseront pas pour autant de fréquenter Honfleur et d'y faire école !