Orpheline
C'est un de mes délires pictural qui m'a permis ce texte
Je ne sais pas comment j’en suis arrivée là, sacrifiée, au service de l’art. Art avec un a majuscule s’il vous plaît, c’est beaucoup plus pédant... Absurde ! Le peintre me brûlera sûrement après l’exposition, comme une vulgaire croûte que je suis.
Il faut pour commencer me présenter, je suis Patte, c’est pas commun, je le sais mais c’est comme cela qu’on m’a appelée, je n’y peux rien. J’avais une soeur qui elle se prénommait Molle, lorsqu’on était ensemble cela faisait Patte Molle. On peut en rire mais croyez moi, j’en souffrais, je pense que Molle aussi, c’est pourquoi, un jour elle a disparu, je ne l’ai jamais retrouvée.
Nous avons vécu ensemble pendant quelques mois, on était heureuses malgré les odeurs et l’humidité ambiante. Je ne voudrais pas dire mais toujours enfermées, on ne pouvait pas sentir la rose. Nous aimions l’une et l’autre nous balader libres sur le sol du salon ou sur le sable. Quelques fois celui-ci nous piquait, nous grattait . Tout allait pour le mieux jusqu’au jour ma soeur a disparu, me laissant orpheline... inutile. Je me retrouvais à l’abandon sur un lit ou sur un autre en attendant qu’elle réapparaisse, J’ai attendu en vain, elle n’est jamais revenue. Aujourd’hui changement, on me prend, m’ amène dans un sac, il y fait très noir, pas d’air, je vais défaillir, je perçois des bruits, des balancements, on ouvre le sac et ouf ! on me sort, me pose sur une table bien en vue de tous. Je reprends espoir mais il s’éteint très vite, mon proprio me macule d’encre rouge sur une face, j’ai envie de rire sur le coup tant cela chatouille mais je ne le fais pas, je refuse qu’on sache que je peux penser, parler et rire... On va se moquer ou me mettre dans un laboratoire où on m’y charcutera. Mon sort est moindre engluée d’encre que déchiquetée de partout, déjà que je sens un trou d’air au bout, je n’en veux pas plus.
Ma propriétaire est peintre, elle se sert de moi pour une de ses toiles. Quand je dis toile, c’est un grand mot, elle a pris un grand morceau de papier a peint en jaune d’un coté, de l’autre, elle m’englue d’encre rouge et dépose des traces sur la feuille, elle dit que c’est joli, c’est bien la seule, moi, je trouve ça nul mais enfin chacun ses goûts. Elle dépose du bleu par place pour couper un peu la monotonie des couleurs et pour finir, me colle, moi Patte avec un pistolet sur la feuille. Aïe, ça brûle ! Me voila pendue comme un vulgaire objet à la face du monde... Triste destin pour une chaussette orpheline.