Le marchand de sable par Kanga
L'été se traine lamentablement, je ne pars pas cette année, l'inspiration n'est plus malheureusement mais je ne veux pas laisser tomber mon petit blog . J'ai demandé à Kanga, une amie des poudreurs d'escampete si elle voulait me passer son joli texte, elle a accepté et je l'en remercie infiniment.
Le marchand de sable
- Maman, Maman ?
- Violette, tu sais bien que j’ai beaucoup de travail, je dois absolument finir ce rapport hyper-urgent pour demain.
- Je voulais seulement te poser une question...
- Je t’écoute.
- Où il est mon Papa ?
- Mon petit coeur, je t’ai déjà dit qu’on en parlerait quand tu seras plus grande, en âge de comprendre.
- Mais j’ai presque 6 ans et je comprends déjà très bien des choses... Je comprends que tu aimes les amoureux, c’est pour ça que tu en ramènes toujours un à la maison... et dès qu’il est un peu usé, tu en choisis un autre tout neuf ! Moi, mon amoureux pour la vie, c’est Max. Mais maintenant, j’ai trop besoin de voir mon Papa. !
- Désolée mon poussin, mais j’ignore où il se trouve aujourd’hui.. .
- Mais pourtant, vous avez mis beaucoup d’amour pour fabriquer un bébé, et... et.. il n’est pas triste d’être parti sans connaître sa petite fille ?
- Il ne savait pas que tu viendrais Violette, sinon bien sûr, il serait là et il t’aimerait toujours très fort... Allez, essuie tes yeux, il faut aller dormir, car demain il y a école, mais ce week-end, on fera la fête rien que nous deux, entre filles.
- Alors, je le trouverai toute seule mon Papa... Tu sais, à cause de lui, j'ai inventé une histoire, quand la maîtresse nous a demandé ce que faisaient de nos parents. Un très gros mensonge... J’ai répondu qu’il voyage tout le temps très loin, à cause de son métier : explorateur- clown. Les autres se sont moqué de moi, mais Viviane les a fait taire et elle a dit « Violette, c’est magnifique comme travail, tu dois être très fière de lui : partir au bout du monde pour découvrir des pays... et des gens inconnus et les faire rire pour qu’ils soient heureux. Les clowns ne font pas la guerre, mais il sèment le bonheur», c’est ce qu’elle a dit.
- C’est très beau ma petite chérie, tu as beaucoup d’imagination. .. Mais vas vite au lit maintenant, le marchand de sable va passer ! Je vais venir t’embrasser.
Après le baiser maternel, bien au chaud sous la couette, Violette reste songeuse... Ah ces choses mystérieuses qui semblent normales aux adultes, c’est quand même drôle ! Elle laisse divaguer son esprit :
Qu’est-ce que ça cache cette histoire de marchand, qui jette du sable pour endormir les gens. Un vrai conte à dormir debout comme dit Maman, ou plutôt non, couchée pense-t-elle en souriant, toute heureuse de son bon mot !
Comme c’est bizarre, d’abord, je ne l’ai jamais vu... et puis comment font les parents pour payer le sommeil et les rêves de leurs enfants ? Par internet, peut-être ?
Elle se promet de guetter toute la nuit ce mystérieux personnage... mais c’est peine perdue, à chaque fois le sommeil l’emporte !
Pourtant, un soir elle réussit à attendre... oh, au moins une heure... les yeux ouverts dans le noir et il lui semble alors que l’ombre se teinte peu à peu de lueurs mouvantes. Des grains de poussières dorées descendent mollement du plafond sur son lit. Emerveillée, elle voit soudain apparaître et venir lentement vers elle un homme bleu du désert, un touareg, comme celui de son livre sur les enfants du Sahara . Normal pour un marchand de sable, pense la petite raisonneuse, que cette arrivée n’étonne guère !
- Bonsoir ma petite rose des sables, lui dit-il très doucement, tu ne me reconnais-tu pas ?
- Pas Rose, c’est Violette mon prénom et vous c’est quoi ?
Quand soudain son sang ne fait qu’un tour, un fol espoir germe dans son esprit et les larmes aux yeux elle s’écrie :
- Papa !!!
- Oui, c’est moi, ma princesse du désert, je suis là.
- Mais pourquoi seulement maintenant et en plus quand je dors.-
- A cause de mon métier, tu t’en doutes, mais chaque nuit je suis venu veiller sur ton sommeil. Sois patiente, un jour je reviendrai, tu verras.
Au matin, Violette se souvient encore de la visite merveilleuse. Elle essaie de retrouver un peu de sable magique sur son lit, mais en vain. Tout a disparu.
Elle n’ose pas en parler à Maman, ni à personne. Qui la croira ? On va la traiter de folle... ou de je ne sais quoi. Elle s’en fiche et garde pour elle ce grand secret qui lui réchauffe le cœur.
Passent des jours et des jours et des semaines...
Et un soir comme elle rentre de l’école avec la mère de Salomé et grimpe l’escalier comme une folle, sa mère lui murmure avec un air contrit qu’elle connait bien:
- Violette, ma puce, excuse-moi, j’ai cet article super-urgent pour avant-hier, à terminer !
- Mais Hugo, un copain qui est avec nous ce soir, veut bien t’emmener au cinéma. Mardi, c’est permis. Avant, on va manger un bout et prendre l’apéritif. Tiens, ton jus de fruit. Allez, On va trinquer tous les 3, en se regardant bien dans les yeux !
- Hugo, voyons, enlève tes lunettes noires ! Comment veux-tu que...
-Tchin-tchin, petite fille!
L’enfant planta son regard dans celui du visiteur et aperçut des paillettes d’or qui dansaient dans ses yeux bruns. Le cœur débordant d'émotion, dans un tourbillon de joie explosive, elle s’écria:
- Papa !!
- Voyons, Violette, ne dis pas de bêtises... Ca ne se fait pas de sauter comme ça sur les gens .
- Laisse, laisse donc Léa, c’est un grand secret entre nous, n’est-ce pas, petite Rose des sables ?
Kanga