Rancoeurs
Rancœurs
Gisèle a sorti ses cahiers du fond de l'armoire et un à un les lit. Elle passe du sourire aux pleurs et de nouveau aux rires. Elle se souvient de son grand-père avec sa pipe assis au bout de la table. Elle revoit sa grand mère aux fourneaux. Elle sent encore la douce odeur des tartes aux pommes. Gisèle dévore les pages une à une à la recherche de quelques brins de souvenirs.
Son époux entre et la voit assis à terre , le regard ailleurs
- Que fais tu ?
- Ne vois tu pas, je lis
- Tu lis, je sais mais c'est quoi ces vieux cahiers ?
- Ces vieux cahiers sont mon trésor. Lorsque j'étais enfant, c'est dedans que j'écrivais
- Tu ne vas pas me dire que tu écrivais lorsque tu étais bébé ? je ne te crois pas
- Ne dis pas de bêtises. J'ai commencé lorsque j'avais douze ans, j'y ai raconté mes jours.
- Cela devait être passionnant ... Maman, fais la cuisine, papa va au travail et moi à l'école.
- Toujours aussi cynique . Tu ne comprendras jamais rien mon pauvre.
- Je sais, c'est comme cela que tu m'aimes n'est-ce pas?
- Que je croyais t'aimer, tu devrais dire car aujourd'hui, ce n'est plus le cas .
- Toujours envie de divorcer ?
- Ce n'est pas de l'envie mais une nécessité aujourd'hui. Qu'as tu fais de notre couple ?
- Pas plus ni moins que les autres. Nous nous sommes aimés, nous avons fait des enfants pour peupler la france et toucher nos retraites. Tu ne vas pas le reprocher ?
- Tu oublies de dire les soirées que je passais toute seule alors que tu couchais avec ta secrétaire.
- C'était une passade, tu le sais
- Et avec ma meilleure amie? C'était aussi une aventure, dis moi ?
- Je m'ennuyais avec toi et les mioches. Tu ne vivais qu'à travers eux . Moi je n'existais plus.
- Cela te donnait le droit de me tromper alors ? Belle mentalité...
- Ne râles pas, Je me suis excusé , c'est bon, tu ne vas pas me pourrir la vie avec ça
- C'est moi qui te pourris la vie ? Première nouvelle... Si je n'avais pas eu quelqu'un qui a vendu la mèche je serais toujours à te vénérer comme un dieu...
- Je le suis toujours ma chérie...
- Non, c'est fini ma naïveté a eu une vie bien remplie et toi tu dégages. Tu as Compris ? Tu dégages... Je ne veux plus te voir ...
- AH ! C'est comme cela, et bien tu pars et continues de pleurer sur des cahiers pourris de gamineries car je garde mes enfants...
- Ce sont mes enfants aussi, ne l'oublie pas .
- Avec quoi, les élèveras tu ? Tu n'as pas un sou en poche, pas de logement, pas de travail et tu es trop con pour en trouver ma pauvre fille...
- Je peux en trouver, j'ai des capacités...
- De chialer? Ça c'est sur car pour la promotion canapé, tu es trop nulle... Un vrai glaçon ...
- Pourquoi es tu si méchant ?
- Je ne suis pas méchant mais réaliste... Quitte la maison et bon débarras...
Le mari sort de la chambre et Gisèle en pleurs, ramasse ses cahiers dans un carton qu'elle enfouit dans son sac...