Ses mains ( Mony)
Mon blog est partage, partage d'informations, partage d'écrits ou autres c'est pourquoi, je sollicite mes ami(e)s à me prêter des textes, des peintures. Je les remercie infiniment pour leurs dons .
Voici un texte de Mony , vous commencez un peu à la connaître, j'ai déjà déposé d'autres textes écrits par elle.
Mony devait commencer son texte par un incipit qui était : Les mains disent beaucoup de choses sur un homme. Elle a écrit ce très joli texte
Ses mains
Les mains disent beaucoup de choses sur un homme et celles que je caresse avec émotion me sont familières comme des amies fidèles. Elles étaient dans la fleur de l’âge, vigoureuses, fortes quand les miennes étaient encore, privilège des bébés, fragilité et douceur. Ces mains aux ongles carrés, aux doigts parfois écorchés par la rudesse du travail qu’elles fournissaient se muaient en plumes légères pour me cajoler ou montraient leur puissance pour me soulever de terre et m’enserrer fermement face aux dangers.
Dans les livres d’images, leur index droit soulignait tel ou tel détail puis il se dressait et la phrase immuable résonnait : « écoute, voilà le marchand de sable »
Et le marchand passait, laborieux ; il garnissait des plages entières de son grain le plus fin. Aussi, nous pouvions, complices, unir nos mains pour de longues promenades au bord des vagues, construire les plus invraisemblables des châteaux ou maintenir solidement la ficelle du cerf-volant.
Ces mains que j’enserre dans les miennes ont toujours su m’indiquer le bon chemin à suivre et quand vint l’âge de l’affrontement elles tinrent solidement les rênes, laissant passer la tempête.
Je les observe avec attention. La gauche à l’annulaire serti d’une alliance d’or, signe d’une longue fidélité et la droite, magicienne quand elle tenait un pinceau fin, sont toutes deux parsemées de taches brunes survenues insidieusement. « Des fleurs de cimetière » m’avait dit cet homme en souriant.
Aujourd’hui, il est étendu, inconscient, mais mes mains lui parlent et lui disent combien je l’aime et combien j’ai encore besoin de lui. Doucement, elles effleurent chaque doigt, caressent la paume, cherchent la ligne de vie, sentent palpiter un cœur fou dans une veine gonflée et, bonheur, ressentent une faible pression.
Les mains fragilisées de cet homme me disent, elles aussi, leur amour. Alors, penchée à son oreille, je murmure tendrement « merci Papa » et je sais au plus profond de moi que j’ai pu, pour une dernière fois, pénétrer dans son monde.
Le 3 novembre 2010 par Mony