Par une nuit profonde
Par une nuit profonde dans une petite ville américaine les rues sont vides, même les chats ne s'y aventurent pas. Seul un bar est éclairé, ses grandes baies vitrées illuminent les alentours.
Le patron s'affaire derrière son comptoir, un homme assis dont on ne voit que le dos paraît pensif devant son verre. À l'autre côté du bar un deuxième homme lui aussi coiffé d'un chapeau est installé près d'une femme habillée d’une robe rouge décolletée. Ses bras sont nus, il fait chaud .
La dame
- Patron, j'aimerais un Manhattan s'il vous plaît.
Le patron
- Bien Madame.
Le monsieur
- J'en prendrais un aussi pour accompagner cette dame.
Le patron
- Deux Manhattan, deux, c'est bon j'arrive !
Le monsieur s'adressant à la jeune femme
- Que faites vous toute seule dans les rues la nuit ? Cela peut être dangereux pour une jolie femme comme vous.
La dame
- Il fait chaud, je ne peux dormir et tourne en rond dans la fournaise de mon appartement. J'en ai eu marre, je suis descendue prendre un verre. Et vous ?
Le monsieur
- Oh moi! J'essaie de tuer ma solitude en traînant de bar en bar, celui ci est le dernier .
La dame
- Ah ! La solitude est une bien mauvaise compagnie. Vous n'avez pas d'amis? Pas de famille?
Le monsieur
- Si, mais ils sont loin hélas
La dame
- Comment se fait-il que vous êtes ici?
Le monsieur
- C'est pour mon travail, je suis commercial et vous que faites vous en dehors de sortir prendre un verre dans la nuit?
La dame
- Ce n'est pas mon habitude de le faire tous les soirs, je suis plutôt sage d'ordinaire.
Le patron
- Voici vos verres.
La dame ( sortant un porte-monnaie de son sac)
- Merci, je vous dois combien ?
Le monsieur
- Laissez, c'est pour moi, je vous l'offre.
La dame
- Mais Monsieur, je ne peux accepter, je ne vous connais pas .
Le monsieur
- Acceptez en remerciement de votre présence.
La dame
- Mais vous n'êtes pas seul, il y a un monsieur au bar là-bas.
Le monsieur
- Oh lui ! Cela fait deux heures qu'il regarde son verre vide en fumant cigarette sur cigarette sans un mot. Je lui ai dit bonsoir, j'attends encore sa réponse.
La dame
- Et le patron, il ne vous parle pas ?
Le monsieur
- Si, on a parlé du temps, des affaires difficiles par temps de crise mais à part ça, pas grand chose et puis il est occupé . Alors, vous l'acceptez ce verre?
La dame
- C'est bon pour une fois, merci.
Le monsieur
- C'est gentil! Mais vous n'avez pas répondu à ma question sur ce que vous faisiez dans la vie.
La dame (dubitative)
- Oh ! Pas grand chose de passionnant.
Le monsieur
- Je suis peut-être indiscret , excusez moi alors.
La dame
- Ce n'est pas ça, je vous rassure, je travaille dans une bibliothèque.
Le monsieur
- Vous en avez de la chance, vous pouvez ainsi lire tous les auteurs connus de la terre. Moi, je n'ai lu que «Les Aventures de Tom Sawyer » de Mark Twain.
La dame
- Lire tous les livres ? Comme vous y allez! ( rires) Je ne fais que ranger les livres sur les étagères par ordre alphabétique et par genre alors des bouquins, je ne lis que les couvertures.
Le monsieur
- Ne me dites pas que vous n'avez jamais lu autre chose que les titres, il y a bien un livre qui vous a plu.
La dame
- Si ! J'ai lu et j'ai adoré « Dr. Jekyll et Mr. Hyde » et « L'Île au trésor » de Stevenson.
Le monsieur
- Ah ! Stevenson ! Moi aussi j'aime …
L'homme assis de l'autre côté du comptoir finit son verre et sort .
La dame
- Eh bien, il n'est pas bavard cet homme. Il me fait presque peur plongé ainsi dans ses pensées, il pourrait lui venir de drôles d'idées comme se tuer ou pire tuer des innocents .
Le monsieur
- Ca, je ne vous ne le fais pas dire même moi qui suis un homme, je n'aimerais pas le rencontrer au coin d’une rue.
Le patron ( lavant le verre de l'homme parti)
- Surtout qu'il y a un tueur qui rôde dans la ville, j'ai vu ça dans le journal ce matin. C'est peut-être lui, qui sait ?
La dame
- Je vais rentrer de suite et me calfeutrer bien à l'abri dans mon lit.
Le monsieur
- Vous habitez loin ?
La dame
- Deux rues plus loin et j'y vais de ce pas, il me donne vraiment la frousse cet homme.
Le monsieur
- Permettez-moi de vous reconduire, ce sera moins risqué.
La dame
- C'est que...
Le monsieur
- Allez dites oui, je ne vous mordrai pas, promis.
La dame riant
- Dans ce cas, j'accepte, merci !
L'homme et la femme sortent du bar et s'enfoncent dans la nuit. Le patron ferme son bar .
Le lendemain, on retrouve la dame en robe rouge étranglée dans le parc, les deux hommes ont disparu du quartier.