Suzon

Publié le par Aimela

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Suzon


 

N'ayant pas de clients, Suzon est entrée dans un bar, elle s'est assise à une table devant une bouteille de vin et d'un verre qu'elle remplit et boit . Il fait si froid dehors.
 

Des souvenirs de sa jeunesse lui remontent à la tête. A l'époque, elle habitait avec ses parents au fin fond d'un trou près d'un lac aussi sinistre que le ciel dans un matin d'automne, quelques barques y étaient abandonnées à leur triste sort et dans le brouillard épais, se distinguaient à peine les montagnes au loin.

Suzon boit un autre verre et une scène furtive apparaît soudain dans son esprit. Des hommes battent le blé, auprès des chevaux harnachés aux charrues . Suzon détestait ce dur labeur tout comme elle détestait la campagne à part peut-être les siestes crapuleuses, cachée derrière les meules de foin, avec son petit ami de l'époque.

 

- Une autre bouteille patron.

- Tu as déjà fini celle là ?

- Oui et alors ? Donne moi en une autre, il fait froid dehors

- C'est bon.

Le patron revient avec une bouteille et remporte la vide. Aussitôt le liquide versé, Suzon se revoit arrivée en ville, Elle revoit son petit logement près du port et les quais où des gens saluent les marins partant pour un lointain voyage. Elle ? Elle n'a pas le temps de musarder, elle fait le trottoir en espérant qu'elle aussi partirait un jour en Espagne séduire un bel hidalgo avec lequel, elle danserait le flamenco. Avec lui, elle assisterait à des corridas mais détestant les souffrances, elle aurait fermé les yeux devant la mort du taureau. Olé ! Crie t-elle en vidant son verre et d'une voix pâteuse...


 

 - Patron, une autre bouteille.

 

 - Encore ? Mais tu es saoule.

 

 - Non, je ne le suis pas, je peux encore danser, regarde.

 

Sous les regards amusés des autres clients, elle se lève en chantant » Sur le pont d'Avignon, on y danse, on y danse...

Elle retombe sur sa chaise.

 

 - Tu vois que tu es bien torchée, vas te coucher.

 

 - Je ne peux pas fait elle en pleurant.

 

 - Comment cela, tu ne peux pas ?

 

 - Si j'y vais , je reverrais ma jolie petite Marie et cela je ne le veux pas, cela fait trop mal.

 

 - J'ignorais que tu avais un enfant.

 

 - Ben si, mais elle décédée, elle aurait eu douze ans aujourd'hui. Marie crie-t-elle , où es tu ?

 

 - J'en suis désolé.

 

 - Alors, donne moi une autre bouteille … Pour oublier...

 

 - D'accord mais c'est la dernière.

 

Le patron est reparti en chercher une autre et la pose sur la table.

 

Suzon boit, boit pour oublier les barques abandonnées, les travaux des champs, les siestes crapuleuses, le bel hidalgo, jamais trouvé. Elle boit encore et surtout pour noyer sa solitude et son chagrin . Elle tombe de sa chaise d'un coup et plonge dans un coma profond.

 

C'est au paradis, s'il existe, qu'elle danse à présent le flamenco et qu'elle retrouve sa petite Marie partie trop tôt alors qu'elle était si jeune et belle comme une madone à genoux.

 


 

 

Publié dans prose mes textes

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A
Suzon boit toujours plus, jusqu'à la fin, pour oublier ses illusions perdues, ses malheurs passés, dont la mort prématurée de sa fille, âgée de douze ans.Un récit à la fois triste et très émouvant, qui prend "aux tripes," comme l'on dit, mais de tels cas de misère ont dû exister dans la France du 19ième siècle, les romans de. Zola en témoigne !
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A
La misère a toujours existé et les Suzon aussi malheureusement. Merci Antoine
J
Un tres beau texte inspiré par cette couverture de livre , un récit et dialogue émouvants.<br /> Bonne semaine <br /> Bises
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A
Merci Jazzy et bises
R
bien triste histoire...Bisous douce fin de journée
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A
Merci Renée et bises
M
Une couverture de livre qui inspire, en effet, tout le rejet de la vie. Triste fin...
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A
J'ai écrit le texte avant de trouver l'image qui correspondait au texte . Merci Mony et bises