Dans une gare déserte... Enfin presque, un vieux monsieur attend aussi le train
- Il prenait comme moi le 18 h 45 et cela chaque jour de sa vie.
- Vous n'allez pas me dire qu'il le faisait déjà lorsqu'il était enfant ?
- Si, il l'a toujours fait. Je sais... Je le voyais avec sa maman à l'époque. Une bien jolie femme mais trop jeune pour moi. Dommage.
- Sa maman vivait seule ? Et le papa ? Où était-il ?
- J'ai toujours vu la maman et lui le petit garçon qui lui donnait la main. Toujours bien habillé et propre. Ah ! Elle avait bien du courage cette brave femme.
- Pourquoi cet éloge ? Qu'a t-elle fait pour mériter ainsi des compliments ?
- C'est une longue histoire ma pauvre dame.
- Racontez moi s'il vous plaît.
- Je ne sais pas vieux comme je suis si je vais tout me rappeler.
- Essayez de me dire ce que vous savez.
- Oui ? Alors voilà , c'était peu de temps après la guerre, vous savez , celle qui a tué des milliers de juifs, de tziganes, d' handicapés.
- Pas les handicapés ? Personne n'en a jamais rien dit cela n'a pas pu exister.
- On a rien dit non plus pour les autres et pourtant ils sont morts dans les fours. Je ne sais pas si je vais continuer si vous m'interrompez tout le temps.
- Excusez moi, continuez...
- A l'époque, il y avait encore des retours des prisonniers et les familles venaient les chercher tous les jours à cet heure là : 18 h 44. C'était le seul train qui venait de Paris et qui continuait sa route pour je ne sais quelle direction. Vous savez moi et la géo c'est loin tout cela et puis je ne savais que très peu lire... Où en étais-je ? Ah ! Oui, le fameux train qui arrivait et la dame au petit, Si beau le petit... dans son landau ...
- Excusez moi mais ... J'aimerai savoir ce qu'à fait la dame ?
- La dame ? Quelle dame ?
- La maman du petit qui a grandi et qui attend son train depuis des années maintenant.
- Rien de spécial, elle a élevé son enfant toute seule et à l'époque ce n'était pas évident. Le gouvernement ne donnait rien pour cela. Il fallait travailler dur. Tenez moi, qui vous parle, je partais tôt au travail et revenait que très tard, je ne voyais mes enfants qu'endormis .
- Excusez moi Monsieur mais vous vous égarez là. Je veux avoir la suite de l'histoire de la femme à l'enfant.
- Vous êtes bien pressée comme tous les jeunes d'aujourd'hui. Il me faut du temps pour raconter, expliquer ...
- Mais je n'ai pas que cela à faire....
- Moi si et aujourd'hui, je suis fatigué, alors revenez demain, je vous raconterai... Si tout va bien...
- Demain ? Je ne pourrais pas. Vous ne pouvez pas continuer ? Encore un peu ...
- Non, il est trop tard et ma Fernande m'attends pour ma soupe. Si je n'arrive pas à l'heure, ma Fernande va me gronder ... Eh ! C'est qu'elle n'est pas facile ... Plus de quarante cinq de vie commune...
- Excusez d'avoir insister, au revoir Monsieur, voilà mon train ...
- Au-revoir et revenez vite, je vous raconterai...