Vertaphobie*
Une souris verte qui courrait dans l'herbe...
Vous m'auriez chanté cela il y a un an ou deux, j’aurais hurlé : Stop ! Au secours ! Tant j'avais la phobie non pas des souris, quoique, mais du vert. Imaginer cette couleur était un calvaire. Pour une normande c'était un comble.
La vertaphobie* est arrivée d'un coup sans savoir pourquoi. Un jour, je me suis mise à détester cette couleur à tel point que je ne pouvais ni toucher, ni manger de légumes. Je prenais une pince pour pêcher mon courrier céladon dans ma boîte aux lettres. Je ne vous explique pas l'angoisse lorsque j'entrais dans les toilettes amande de mes amis. J'étais terrorisée lorsque je devais acheter une bouteille de vin dans un magasin. Le sort était contre moi, cette teinte était partout et je me débattais dans tous ces tons verts qui me cherchaient et me trouvaient alors que je me désirais tranquille dans le bleu du ciel, le rouge du coquelicot, le jaune du bouton d'or, le marron des troncs d’arbres.... Lorsque je m’adonnais à la peinture, une seule goutte verte tombée malencontreusement sur mes mains et je m'enfuyais me les laver immédiatement. Pour ce qui était des mélanges de couleurs, je faisais en sorte de ne jamais mêler le bleu avec le jaune. Quelle galère ! Voir plus, un véritable enfer ! Je ne pouvais plus continuer à vivre ainsi...
Un jour, j'ai compris d'où venait cette phobie. Un soir que je regardais la télé j'ai vu un geant, tout vert... Il est sorti du petit écran et m'a fait une déclaration d'amour. Dieu qu'il était moche, je l'ai renvoyé mais toutes les nuits il me hantait. Il m'a fallu pas cent mais quatre- vingt dix neufs séances chez la psy et je me suis prise par la main qui n'est pas verte ; mes plantes crevaient, elles le font encore aujourd'hui. Je me suis mise tout doucement à aller vers les tons moins difficiles à appréhender et surtout vers ceux qui me seraient les moins dérangeants. Les verts à consonances bleues pour commencer puis... petit à petit, je me suis approchée des verts foncés acceptant de déboucher les bouteilles offertes ou de toucher le houx déposé près du sapin de Noël au centre socioculturel. J'ai aussi accepté les tableaux offerts par mes amis qui sont exposés sur mes murs.
Je parviens aujourd'hui à utiliser ces verts sombres pour mes propres oeuvres mais sachez que je fuis toujours lorsque je vois les feux tricolores virer au vert et qu’il m'a fallu quelques heures de relaxation avant d’oser entrer dans un magasin dont les murs, les chariots, les paniers et les vendeuses sont affublés d'un horrible vert... fluo. Je demande à notre charmante aubergiste qui a toujours du cœur de ne point m'envoyer de photo de ce fluo, j'en ai ma dose pour aujourd'hui et... demain .
vertaphobie *Mot n'existant que dans ma tête, le vrai nom est chlorophobie